Bonjour,
Je souligne encore et encore que la musique est une langue. Si l’on veut être capable de lire, écrire, mémoriser ou communiquer avec d’autres musiciens, il est nécessaire d’apprendre cette langue.
La prise de conscience est un pilier de mon approche pédagogique. Le mieux on se rend compte de ce qu’on fait, le meilleur musicien on est. Et j’insiste que maîtriser la langue de musique, prime abord au niveau de l’oreille, est capitale.
Récemment, l’une des abonnées m’a répondu à ce message :
“Bonjour,
Pas forcément de manière académique.
L intelligence musicale et émotionnelle sont pour moi les matrices de mon apprentissage musical.
Bonne journée.”
Cet avis est assez répandue et n’est pas sans valeur.
Mais voyons où nous pouvons aller avec une intelligence émotionnelle seule dans sa pratique musicale.
La pratique musicale se combine de différents domaines.
L’intelligence émotionnelle seule est-elle suffisante pour travailler vos morceaux rythmiquement ?
Non. Au niveau de la rythmique, si vous ne comprenez pas et ne connaissez pas les figures rythmiques, il n’y a pas de chance à faire dans le tempo, dans les pulsations, cela ne marche pas. On peut mimiquer une figure, deux peut-être, mais il y a toujours des variations, par exemple, une figure en noires peut apparaître étrangère, si elle se présente en double-croches.
Avez-vous assez d’intelligence émotionnelle pour lire une partition ? Bien sûr que non. La partition s’apprend. Clef de sol, clef de fa, sur la ligne, dans entreligne, etc. La partition demande du travail. Déchiffrage, lecture à vue.
La mémoire. Peut-on mémoriser émotionnellement un morceau par cœur ?
Prenez n’importe quel poème dans une langue que vous ne parlez pas. Lisez-le avec expression. Même si l’on vous indique, par exemple, où mettre l’accent, où se trouve le mot principal, pourriez-vous le mémoriser facilement ? Bien sûr que non, car vous ne le comprenez pas. Quelle longueur de texte seriez-vous capable de mémoriser guidé par l’émotion?
Enfin, l’oreille musicale. Dès que l’émotion nous envahit, la première chose qui disparaît est la justesse.
Si vous chantez ou jouez du violon, vous commencerez à baisser. Cela arrive à des meilleurs interprètes aussi qu’aux novices.
L’intelligence émotionnelle peut s’exprimer seulement lorsque vous maîtrisez ces compétences, lorsque vous avez des points de repère, quelque chose sur quoi vous appuyer.
Une oreille musicale développée équivaut à une mémoire musicale développée. La partition est un guide, pas une béquille. La technique est la connaissance de son corps, l’habilité de faire dans la grâce et l’élégance physique.
Et c’est ainsi que vous apprenez à exprimer vos émotions lorsque vous jouez ou chantez.
Pensez à un acteur qui monte sur scène pour jouer son rôle. Chaque geste est réfléchi, chaque intonation est mesurée. De là vient la liberté et la puissance d’expression, et dans la musique, c’est exactement pareil.
La musique demande de l’effort. Mais œuvrer en musique est tellement bénéfique pour notre cerveau, pour notre développement, sans aucun doute, pour l’intelligence émotionnelle aussi.
Il est naïf d’espérer qu’une émotion spontanée va vous porter dans l’art. On vit l’émotion pour ensuite l’exprimer par son action mesurée — sans être présent, on tombe dans un tourbillon.
Qui plus est, si vous ne vous basez que là-dessus, le jeu et le chant seront difficiles et laborieux. Oui, il n’y aura aucun développement, car en réalité, l’émotion qui n’est pas enracinée nous empêche, c’est pourquoi que les musiciens répètent toujours.
C’est une approche très débutante de penser qu’on peux réussir n’importe quelle pièce musicale uniquement avec des émotions, même pour une personne très expressive et émotionnelle.
Et, peut-être, ma position vous décevra. Mais c’est la réalité de l’art.
La musique est une langue. Sans aucun doute, il y a beaucoup de choses qui peuvent faciliter votre pratique musicale, la rendre plus légère, la rendre moins bloquée quelque part, et pour que soudainement cela devienne plus facile, que quelque chose s’ouvre, qu’une nouvelle inspiration apparaisse, qu’une nouvelle sonorité résonne, que vous trouviez votre propre son, que vous chantiez clairement, que la confiance émerge, et que vous puissiez faire avec la partition comme si de rien n’était. Mais il faut œuvrer dessus, il faut s’investir.
Et pour cela, il nous faut de l’humilité. Oui, de l’humilité.
Cela nous donne la clé pour revenir à la jeunesse, à l’époque où le monde nous semblait être une énigme, où le monde nous semblait être un événement étonnant, où tout nous excitait. Mais à nos jours, l’intelligence émotionnelle “innocente” ne suffit plus. En enfance, on est émerveillé de croiser une petite flaque, mais aujourd’hui on veut (et on peut !) naviguer les océans.
Il y a une parabole bouddhiste, qui dit
« Un maître zen japonais a un jour accueilli chez lui un professeur d’université venu l’interroger sur le zen. En versant une tasse pleine à son invité, il continua à verser davantage. Le professeur regardait le thé débordant de la tasse et, finalement, ne pouvant plus se retenir, s’écria : « Elle est déjà pleine. Elle ne peut plus rien contenir ! » Le maître répondit : « C’est comme cette tasse, et vous êtes rempli de vos propres opinions et jugements. Comment puis-je vous montrer le zen tant que vous n’aurez pas vidé votre tasse ? »”
Quand nous avons déjà vu, vécu et appris beaucoup de choses, l’intelligence émotionnelle sans réflexion demande de chercher des sensations de plus en plus fortes, de vivre des expériences de plus en plus extravagantes. Mais la sagesse choisi d’aller en profondeur. C’est là que se trouvent les trésors insoupçonnés, de nouveaux regards sur les anciens paysages.
Et comment peut-on aller en profondeur en musique ? C’est de s’engager, de chercher une émotion, par exemple, non pas dans une mélodie sentimentale, mais dans n’importe quelle mélodie, dans un intervalle, dans une gamme, dans un motif abstrait, qui englobe ce qui est évident pour exprimer nos sentiments profonds et raffinés.
Bonne musique,
Katja Keller