Bonjour,
Aujourd’hui un mail “Question-Réponse” :
“Bonjour,
J’ai votre méthode « oreille absolue » depuis quelques mois déjà.
J’ai une question svp qui n’a rien à voir avec cela, c’est au sujet de la mémorisation. J’apprends le piano.
Est-ce que tous les musiciens lors d’un concert pensent dans leur tête chaque note de leur partition lorsqu’ils jouent par cœur ?
Comment font-ils lorsque le mouvement est « prestissimo » ? Cela me semble impossible.
Lorsque j’apprends un morceau, à force de répétitions, mes doigts se positionnent automatiquement, sans que j’y pense, mais si je fais une erreur je suis incapable de continuer sauf si je reprends plusieurs mesures avant pour reprendre l’automatisme.
Bref, c’est galère. Dois-je me forcer à mémoriser chaque note, à penser chaque note que je joue ? J’ai essayé c’est très difficile pour moi.
Merci bien
Bien cordialement
Daniel”
Cela peut sembler être difficile, voir impossible dans les temps très rapides, mais c’est le but du jeu – on doit cibler d’entendre toutes les notes qu’on joue.
L’automatisme n’est pas une bonne réponse. Dans l’automatisme, on n’est pas présent et connecté, en d’autre mots, on n’écoute pas.
Voyons alors, comment on peut apprendre et mémoriser son morceau afin de pouvoir le jouer dans un bon tempo tout en écoutant.
Tout d’abord, d’essayer à mémoriser un morceau note par note n’est pas une approche productive. C’est un peu comme d’essayer à mémoriser un discours une lettre après l’autre.
Comme avec une langue, la mémoire musicale veut organiser les notes (les lettres de la langue musicale) en bloques afin de se souvenir du texte.
La première étape cruciale de la mémorisation, c’est de trouver les ancrages sur lesquels on va s’appuyer.
C’est en ce moment là qu’on se donne tout le temps nécessaire pour se plonger dans les moindres détails.
Pour l’oreille absolue les notes toutes seules sont des ancrages puissants — elles enracinent le morceau dans le son, comme par des fils insécables.
La connexion est là, donc on écoute sans spécifiquement penser chaque petite note de passage qu’on joue. Néanmoins, la sous-conscience, ou le cerveau droit si vous voulez, continue de le faire de l’intérieur.
C’est ainsi qu’on arrive à entendre chaque note même dans les tempi les plus rapides.
Disons, par exemple, que vous avez un passage de 17 notes qui descend d’un fa jusqu’au ré deux octaves plus bas.
On « pense » la première note et la dernière, le passage entre les deux — c’est la gamme de ré mineur. Voici, alors, les 3 ancrages nécessaires pour fixer plusieurs mesures en mémoire.
Qui plus est, si un doigt touche une fausse note par erreur du geste, on ne revient pas en arrière, l’ancrage de la dernière note du passage va nous attirer pour avancer.
Comme ça, on commence à courir au lieu de marcher sur des œufs. De là vient la confiance et la rapidité.
À part de l’oreille absolue, vous pourriez et devriez utiliser d’autres ancrages – ceux de la mémoire corporelle, visuelle, intellectuelle, celle de la touchée et de l’espace. Ils vous aideront de relier les bloques de la mémoire.
Mais l’oreille doit toujours être aux commandes.
Identifiez au moins les notes « importantes », souvent c’est les notes de durées plus longues ou elles se répètent sur les temps de mesure. Écoutez les profondément et dans son contexte harmonique. Après, elles seront les phares pour vous guider.
Donc, la recette est universelle : quand vous apprenez un morceau, trouvez le plus possible d’ancrages dont je vous ai donné un exemple et restez connecté à l’oreille plus qu’au mouvement des doigts.
Bon dimanche et bonne musique !
Katja Keller